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Pluriel

De son nom latin jasminum grandiflorum, le jasmin utilisé en parfumerie surprend par sa puissance multi-facettée à la fois florale oranger, solaire, mais aussi fruitée (banane, fraise, abricot), animale et épicée. Le jasmin est d’une complexité étonnante pour une fleur aussi fragile, qui doit être récoltée très tôt le matin avant que le soleil n'abîme son parfum. Seule l’extraction aux solvants volatils permet de l’exploiter avec un rendement très faible, donc un prix élevé. Son kaléidoscope de nuances se fond parfaitement avec d’autres fleurs mais aussi des bois ou des accords orientaux.

Originaire d’Indonésie, cette plante aromatique ne sent quasiment rien sur pied. Il faut d’abord sécher puis laisser fermenter ses feuilles pour que se forment ses molécules odorantes. Après distillation, l’essence doit encore vieillir plusieurs mois en fûts pour permettre une utilisation optimale. Alors, Pogostemon cablin révèle une odeur puissante, à la fois boisée, terreuse avec des accents fumés, camphrés, liquoreux et même moisis. Certains disent qu’elle évoque la cave humide. Le patchouli, très apprécié par les femmes de petite vertu fin XIX^e siècle en France, fut longtemps considéré comme un peu vulgaire. Puis la génération hippie des années 70 l’adopta comme symbole de liberté et en popularisa l’odeur. S'il ne véhicule plus de réputation sulfureuse, sa puissance continue de fasciner et s’intègre aussi bien dans les compositions féminines que masculines.

Il figure sans doute parmi les ingrédients les plus utilisés dans les parfums masculins des années 60, dégageant une impression terreuse, fumée et végétale très élégante, avec des inflexions « pamplemousse vert ». Sa puissance laisse imaginer un arbre majestueux mais le Vétiveria zizanoïde n’est en réalité qu’une petite plante de touffes vertes dont les racines peuvent être très profondes. Ce sont elles qui sont distillées pour obtenir l’essence, avec deux provenances majeures, Java en Indonésie, particulièrement fumé, et Haïti où se fournit Francis Kurkdjian. Il intervient en note de fond.

Également appelée rose de mai - car c'est le mois de sa floraison - la rose Centifolia Pays fleurit à Grasse, dans le sud de la France. C’est l’autre variété utilisée en parfumerie, avec la rose Damascena. Son nom « cent feuilles » en latin s’explique aussi par la multitude de ses pétales. Particulièrement délicate, elle ne fleurit qu'une fois par an ce qui explique sa rareté et son coût élevé. La cueillette des roses se fait à la main, tôt le matin. Une fois récoltées, les fleurs de la rosa Centifolia, trop délicates pour être distillées, sont traitées par extraction aux solvants volatils pour aboutir à une absolue. Cette absolue de rose fait partie des notes de cœur et de fond d’un parfum. Ses notes florales rosées généreuses et complexes sont caractérisées par un effet très pétalé doublé d’une facette miellée.

Malgré un parfum très identifiable et populaire, la violette est une fleur dite muette, c’est-à-dire dont on ne peut extraire le parfum directement. Seules feuilles et tiges peuvent être exploitées. Leur extrait dégage une odeur verte de concombre épicé, aux antipodes des effluves de la fleur. Pour restituer l’odeur fruitée, gourmande et légèrement boisée de ses pétales, Francis Kurkdjian utilise les Ionones (ionos signifie violet en grec), des molécules odorantes découvertes et mises à disposition des parfumeurs dès la fin du XIX^e siècle. En parfumerie féminine, la violette apporte une facette poudrée ou une sensation gustative qui se marie très bien avec les notes rosées. Dans un parfum masculin, c’est sa facette verte qui est largement utilisée.

Il existe plusieurs façons de traiter la fleur du Citrus Aurantium. Par extraction aux solvants volatils, on obtient l’absolue de fleur d’oranger, par distillation à la vapeur d’eau, l’essence de fleur d’oranger. Mais attention, les connaisseurs le savent : on ne parle pas d’essence de fleur d’oranger mais d’essence de néroli, depuis que la princesse de Nerola en répandit la mode au temps du roi français Louis XIV. L’absolue agit en coeur et en fond, avec des notes florales solaires, tour à tour fraîches ou capiteuses, alors miellées, animales. Le néroli est beaucoup plus hespéridé et floral vert, agissant surtout en tête et coeur. Il est souvent associé à l’odeur de drap ayant séché au soleil et aux madeleines parfumées.

Si dans le cœur des parfumeurs la rose est la reine des fleurs et le jasmin le roi, alors l’impératrice en est l’iris. Ce n'est pourtant pas sa fleur qui est utilisée, mais son rhizome, c'est-à-dire sa racine. La parfumerie exploite l’iris pallida, originaire de la région de Florence en Italie. Après 3 années de culture en terre, les rhizomes d’iris sont séchés puis broyés avant d’être distillés pour obtenir une essence à la consistance épaisse, également appelée beurre d’iris. Cette longue transformation et un rendement des plus faibles en font une des matières les plus chères de la palette du parfumeur. L’extrait d’iris offre une note florale très particulière, entre fleur de violette et bois tendre, avec des facettes très poudrées et légèrement chocolatées, cacaotées. Dotée d’une rémanence hors norme, l’iris peut être utilisée en dose infime pour apporter du volume ou en plus grande quantité pour soutenir un accord floral ou boisé.